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LE RÉseau MARCEL : Contexte historique

1939

Le 3 septembre, la France déclare la guerre à l'Allemagne.

1940

Le 22 juin, la France signe l'armistice et Le 10 juillet Le maréchal Pétain est nommé chef d'État.

Dès le 22 juillet, un décret de loi portant sur la révision de la naturalisation des Juifs parait. 7 000 personnes, naturalisées depuis la loi du 10 août 1927, sont déchus de leur statut de Français.

Le 27 août, le décret de loi « Marchandeau » Garde des Sceaux du 21 avril 1939 est abrogé. Il interdisait jusqu’alors les articles de journaux incitant à la haine.

Le 27 septembre, la première ordonnance allemande promulgue le recensement des Juifs en zone occupée.

Le 3 octobre est promulgué le premier statut des Juifs par le gouvernement de Vichy qui définit les Juifs comme une race, alors que les nazis ne parlent que de religion.

1941

Le 29 mars, une loi de Vichy crée le Commissariat général aux Questions Juives, avec à sa tête Xavier Vallat (ancien député) premier commissaire général, suivi le 19 mars 1942 par Darquier de Pellepoix (conseiller municipal de Paris).

Le 14 mai, sur ordre de la Préfecture de police (dont le Préfet est l'amiral Bard), et avec l'aide de la police municipale, les premières arrestations de Juifs étrangers s'opèrent en zone occupée. Convoqués pour un "examen de situation", plus de 3 700 personnes sont arrêtées et dirigées vers les camps d'internement de Pithiviers et Beaune –La Rollande

Le 2 juin, un second statut des Juifs est édicté par le gouvernement de Vichy. Il est interdit à ces derniers d'exercer une profession libérale et de suivre des études supérieures.

Le 22 juillet, une loi régit l’appartenance des entreprises et des biens des juifs.

Le 20 août, une seconde vague d'arrestations des Juifs de Paris est menée par la police française encadrée de militaires allemands. 4 232 Juifs dont 1 500 Français sont arrêtés. Pour les « accueillir », un « camp des Juifs » est créé à Drancy.

Le 12 décembre, 743 Juifs presque tous Français sont arrêtés à Paris. Emmenés dans un premier temps à Drancy, ils sont ensuite transférés à Compiègne. Ils sont 1 millier dans la nuit du 12 au 13 décembre.

Le 18 décembre, 3 154 Juifs sont internés à Drancy.

1942

Fin mars , les premiers Juifs français sont gazés à Auschwitz

Le 29 mai, la 8° ordonnance allemande du 28 mai est publiée. Elle oblige le port obligatoire de l'étoile jaune pour les Juifs en zone occupée.

Les 16 et 17 juillet, 13 000 Juifs dont 7 740 enfants sont arrêtés par 4 500 policiers français lors de la rafle du Vel d'Hiv.

Le 8 novembre, les Allemands envahissent la zone libre. Les Italiens occupent neuf départements du Sud-est de la France. L’administration italienne plus clémente incite un grand nombre de Juifs à s'y réfugier.

1943

Le 1er juin,  Aloïs Brunner, lieutenant d'Eichmann assure la direction du camp de Drancy.

Le 8 septembre, l'Italie signe l'armistice avec les Alliés. Ils quittent le sud de la France emmenant avec eux le maximum de réfugiés Juifs.

Le 10 septembre, les Allemands envahissent l'ex zone italienne.
Des rafles massives sont opérées à Nice par Aloïs Brunner (ayant déjà à son actif, la déportation des Juifs berlinois, de 47 000 Juifs autrichiens et de 43 000 Juifs de Salonique). Avec l'aide dune douzaine de tortionnaires ils terrorisent les Juifs de Nice, ils se livrent sur les femmes, les hommes et les enfants arrêtés souvent en pleine nuit à leur domicile, à des exactions abominables et raflent même les patients Juifs hospitalisés.

 

Naissance du Réseau Marcel

Au premier semestre 1943, Odette Rosenstock et Moussa Abadi clairvoyants anticipent sur les événements et jettent les bases d'un réseau de résistance. Moussa sollicite et obtient l'aide de Monseigneur Paul Rémond, évêque de Nice. Odette Rosenstock contacte les maires des différentes communes, les maisons d'enfants à caractère sanitaire (préventorium) ainsi que les pasteurs Evrard et Gagnier des églises baptiste et réformée.

Monseigneur Rémond met à la disposition de Moussa un bureau à l’évêché ainsi que les institutions catholiques du diocèse. Il sera aidé par l’abbé Rostand et Mademoiselle Lagache de l’évêché.

Pour créer un tel réseau, il faut :

Les Pasteurs Gagnier et Evrard sollicitent des familles susceptibles de recevoir, de cacher et d’aider au transfert des enfants en Suisse et de fabriquer de faux papiers.

La Sixième (nom de guerre des Éclaireurs Israélites de France) assure certains déplacements des enfants cachés.

L'American Joint Comittee (association caritative Juive américaine) finance le Réseau par l'intermédiaire de son représentant Maurice Brenner que Moussa rencontre à Paris. Une aide alimentaire est apportée par les Quakers.

Monseigneur Rémond nomme Moussa Inspecteur des écoles de l’enseignement libre puis professeur de diction au petit séminaire (pour des raisons de sécurité, il ne conservera pas longtemps ce second poste). Odette devient sous le nom de Sylvie Delattre, Assistante Sociale de l’Évêché en charge des enfants réfugiés du diocèse.

Moussa prend le nom égyptien de Fuad El Musri, puis lui préfère celui de Monsieur Marcel.

Le Réseau Marcel est opérationnel dès le 10 septembre 1943 : le sauvetage des enfants commence.

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Maison de la dépersonnalisation

La France envahie, les Juifs hollandais, belges, autrichiens et allemands ayant fui leurs pays tentent de gagner la zone libre. Ils ont des noms dont la consonance permet de les identifier. Comme les Juifs français, qu'ils le soient de longue date où par naturalisation récente, leurs patronymes les rattachent au judaïsme. Il faut dépersonnaliser les enfants, leur donner des prénoms et des noms à consonance chrétienne, vaincre leurs réticences, les convaincre qu'après la guerre leurs parents les retrouveront. C’est le travail de Moussa qui invente pour chacun une "nouvelle" histoire de famille dans une maison que les Clarisses ont mis à sa disposition. Il devient, selon ses dires, un « voleur d’identité ».

Odette et Moussa Abadi racontent la dépersonnalisation - Interview par Annette Wiervorka et Regine Waintrater

Trois fiches par enfant sont créées :

Le nom, la date de naissance, l'adresse des parents, la fratrie, le nom de la personne confiant l'enfant figurent sur chaque fiche. Au verso de ce document est inscrite la nouvelle identité attribuée.

Les parents, acculés, confient leurs enfants à Moussa et à Odette. Des enfants dont les parents ont été raflés sont pris en charge par le réseau Marcel.

Pendant ce temps, Odette parcourt le département allant d'institutions en familles pour s'assurer du bon état physique et psychique des enfants. Seul lien avec le monde « d'avant », elle permet à ces enfants cachés de surmonter l'épreuve de la séparation familiale et du déracinement.

 
Témoignage de Moussa Abadi au Centre de Documentation sur la Persécution Nazie de Nice
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AVERTISSEMENT : En tant qu'Association des "Enfants et Amis Abadi", il nous semble important d'apporter des précisions sur cet article. Nous pensons que l'entretien accordé par Moussa Abadi, et qui n'est pas signé au "Centre de Documentation de la Persécution Nazie de Nice" comporte quelques erreurs qui pourraient sembler en contradiction avec les renseignements mis sur notre site à propos du « Réseau Marcel ».

Moussa fait remonter sa rencontre avec Brenner à juillet 1943. Son interlocuteur lui fait affirmer que c'est à cette époque que Moussa a prospecté dans les villages auprès des familles et des institutions religieuses afin de trouver des caches pour les enfants. Or, d'après d'autres entretiens donnés par Moussa, c'est APRES avoir rencontré Monseigneur Rémond que Moussa a pu, dès le 10 septembre 1943, cacher les enfants confiés par leurs parents.

Le journaliste écrit : " C'est avec deux Assistantes de l'O.S.E. mises à ma disposition : Odette Rosenstock (faux nom : Sylvie Delattre) et Huguette Wahl (faux nom : Odile Varlet) que nous avons commencé la tâche la plus pénible de notre travail qui consistait à aller chercher les enfants à domicile... ». Compte tenu de la nécessité de la clandestinité, il semble douteux que Moussa soit allé lui même chercher des enfants à domicile sauf peut-être si une concierge l'appelait, un enfant se trouvant soudainement séparé de ses parents. Il faut aussi rectifier d'une part, la qualification d'Odette Rosenstock, Docteur en Médecine et non Assistante Sociale, et d'autre part le fait qu'elle fut « mise à disposition » auprès de Moussa. Elle fut co-fondatrice du réseau et son rôle tout aussi important que celui de Moussa. Son titre modifié lui permettait de circuler plus librement étant "chargée de l 'évacuation des enfants".

 

Le réseau Marcel reçoit également l’aide Huguette Wahl, assistante sociale de l’O.S.E (Œuvre de Secours aux Enfants). Fondée en Russie en 1912, l’O.S.E a, durant la première guerre mondiale organisé l'aide aux populations juives réfugiées et a ensuite peu à peu étendu son action vers l'Ouest puis vers les pays occidentaux, portant l'accent sur l'assistance à l'enfance. Sous le nom d’Huguette Valier, Huguette Wahl œuvre au sein du réseau de septembre à décembre 1943. Elle est arrêtée et déportée en décembre 1943. Elle ne reviendra pas. Au sein du groupe de l'O.S.E de Marseille, Nicole Salon prête également main forte au Réseau Marcel. Elle est chargée d'organiser et de conduire des groupes d'enfants vers la Suisse. Elle est arrêtée et ne reviendra pas de déportation.

Odette est arrêtée le 25 avril 1944 à Nice et déportée à Auschwitz puis à Bergen-Belsen. Elle survivra et viendra aider Moussa à Nice en 1945.

La Côte d'Azur est libérée en août 1944. Les parents survivants viennent rechercher leurs enfants. Les autres, restés seuls, sont confiés soit à des membres de leur famille, soit à des maisons d'enfants gérées par l’O.S.E.
Moussa installe ses bureaux au grand jour avenue Victoria à Nice à l’emplacement du commissariat aux questions juives. Quelques parents viennent rechercher leurs enfants. Moussa recherche, grâce à ses fiches, les familles des enfants puis confie les orphelins à l’O.S.E qui possède les structures d’accueil adéquates.

527 enfants ont été sauvés par le réseau Marcel.

 

Témoignage audio d'Odette et Moussa Abadi (16 mai 1994)

Durée 1:11:13

Ecouter le témoignage de Moussa Abadi

Ce témoignage a été recueilli par Betty Saville, à l'époque Secrétaire Générale de l'Association "Enfants cachés", dans le cadre des groupes de parole dont le but était d'enregistrer les "histoires des adhérents, mais aussi des sauveurs d'enfants juifs.

C'est probablement la première fois que Moussa et Odette racontent le "Réseau Marcel". Le témoignage a été recueilli au domicile des Abadi, 115 rue de Reuilly, à Paris 12e. On entend, en fond sonore, le joyeux bruit de la récréation de l'école située au pied de leur immeuble.

 

Le Réseau Marcel raconté par Moussa Abadi

Le 21 mai 1995, lors du Colloque des Enfants Cachés au Palais du Luxembourg, Moussa Abadi livre une allocution émouvante détaillant l'histoire du réseau.

Lire l'allocution

 

Bibliographie

Plusieurs ouvrages retracent ou font référence à l'histoire du Réseau Marcel

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