Mes amis,

          Défendez-vous contre la peine, je vous en prie. Seule, donc libre, et à plus de 84 ans, il est très raisonnable d’en finir avec la vie. En fait, je suis morte en même temps que Moussa. Il me fallait encore régler quelques problèmes – c’est fini -, et surtout faire imprimer ou éditer les deux dernière œuvres qu’il avait écrites avec tout son talent, son humour et sa tendresse. Elles dureront, certes, ce que durera votre souvenir : le sachant, nous étions déjà heureux. Pourtant, je suis persuadée que les deux livres des « juifs de Damas » méritent de devenir des classiques dans leur domaine, et je souhaite ardemment que l’un de vous réussisse à leur faire obtenir la place dont ils sont dignes.

.
.  .

          Je n’aurais jamais pu suivre mon « programme » si certains d‘entre vous ne m’aviez pas soutenue aussi merveilleusement, chacun et chacune à sa manière. Je veux vous dire combien j’ai été aidée par vos présences et vos attentions – les coups de fil, les lettres, les rencontres… et combien j’ai admiré l’obstination de mes fidèles, malgré mon retrait. Un retrait qui s’expliquait à la fois parce que j’avais perdu le sens de ma vie et le goût de la vie, et parce que je refusais de prendre une trop grande place dans votre existence quotidienne et parmi vos attachements, afin que votre peine aujourd’hui  ne soit pas trop envahissante.

          C’est pourquoi mes dernières pensées seront pour vous remercier infiniment et, au nom de la liberté, pour vous bénir, croyants et païens confondus, de tout mon cœur.

Cette lettre est la partie commune et dactylographiée du dernier message d'Odette. Elle ajouta manuellement à la fin de chacune des lettres un message personnel à l'attention de son destinataire.