Instagram TwitterYoutube Facebook

<< Retour à l'article

Inauguration de la Fresque en hommage aux sauveteurs de l'OSE

25 mai 2010

Discours de Kathy Hazan

Bonjour à tous et à toutes, bonjour, à la grande famille oséenne, bonjour aux présents, mais aussi aux absents.

La fresque que nous inaugurons est un travail de longue haleine qui a duré presque 4 ans. A l’origine une initiative de l’amicale et en particulier d’Armand Bulwa, le gardien de la mémoire, inscrire les noms des sauveteurs de l’OSE. Qu’à cela ne tienne, un petit groupe s’est mis au travail pour valider qui inscrire, on était arrivé à 160 noms, et on avait imaginé un arbre du sauvetage, puis une œuvre d’art, puis l’idée d’un concours.

Et puis et puis  les recherches ont continué, on a élargi à tous ceux et toutes celles qui étaient dans l’organisation pendant la guerre, puis à tous ceux et toutes celles qui ont aidé l’OSE dans son entreprise de sauvetage. Nous sommes arrivés à 400 noms et nous en avons sûrement encore oubliés,  nous avons donc opté pour une grande fresque illustrée où les noms peuvent se modifier et se rajouter.

J’aurais aimé pouvoir tous les évoquer, car chaque nom nous sourit. Ce sont des anonymes, des grandes figures, des militants, des idéalistes, des rien du tout, des russes, des alsaciens, des israélites français, des étrangers au nom imprononçable, des médecins, des jeunes filles, des Juifs et des non juifs qui ont participé au sauvetage de milliers d’enfants et d’adultes.

Alors, commençons par saluer ceux qui sont encore vivants : Lily Garel, Gaby Cohen (notre Niny), Dora Werzberg, Emma Lederer, Madeleine Meyer, Renée Ortin, Dora Leidervager, Myriam Greisalmer, Frida Wattenberg, Théodore Samet et notre doyen Georges Loinger.

 L’histoire de l’OSE est une grande saga qui débute en 1912  et dont le principe intangible est d’être là où les populations juives sont dans la détresse.

Je ne résiste pas à citer des noms d’autant que je sais que beaucoup de leurs proches sont ici.
Quelques grandes figures de cette saga en France : Joseph Weill, le prophète, Andrée Salomon, la grande dame de l’OSE, dont nous allons enfin publier les mémoires avec l’aide de son neuveu Georges Weill et de son fils Jean, Georges Garel dit « Gris », amené à l’OSE par son beau-frère, Charles Lederman, et  dont Lily, sa femme nous dira un mot avant de dévoiler la fresque, Georges Loinger, l’homme des frontières.
Permettez-moi de vous présenter une femme moins connue du grand public, le Dr Valentine Cremer. Elle a suivi l’OSE dans toutes ses périgrinations depuis St-Pétersbourg, jusqu’à Paris en passant par Berlin. Elle participe aux colonnes mobiles qui encadrent les milliers de Juifs déplacés pendant la première guerre mondiale, elle se trouve aux côtés du Dr Eugène Minkowski à Paris sous l’occupation, rejoint la direction à Montpellier, puis à Chambery, enfin c’est elle qui fait le premier rapport   médical sur l’état des Juifs d’Afrique du Nord, après un séjour en 1946.

L’OSE c’est aussi autant de sagas familiales autour du sauvetage des enfants qui chacune pourrait faire l’objet d’un film ou d’un roman feuilleton :

La saga Loinger : Emma investie dans les maisons d’enfants dès 1939, Fanny, responsable d’un secteur du réseau Garel, Georges à la frontière, Simon Mangel à Chabannes, Dora Wersberg, résidente volontaire à Rivesaltes et Gurs. Chacun découvrant après guerre ce que l’autre faisait.

Les Samuel, Vivette et Julien qui se sont connus au cœur du dispositif , qui se sont mariés dans la maison du Couret en 1942, inscrivant l’histoire dans l’avenir. Et puis,  des cerises pour annoncer que Julien et Jacques Salon avaient sauté du train qui les amenait à Drancy, après leur arrestation à Lyon.

Avec eux au bureau de  Limoges, Pierre Dreyfus, dit Dutertre, jeune homme fringuant qui venait de Chambery, éloigné par le secrétaire général de l’OSE, Joseph Millner parce qu’il faisait trop de pockers avec son fils ! Ce qui lui sauva la vie.

Les Malkin-Frenkel : Isa le médecin résidant dans les différents camps, mais surtout Agde, puis convoyant les Buchenwaldiens en Palestine, dont le petit Meïr Lau, Henriette, directrice de maisons d’enfants et Jeanne impliquée dans le circuit Garel.

Enfin les Cogan, deux frères à l’OSE, Elisée, le médecin qui avec Jacques Bloch s’occupait de faire marcher les maisons d’enfants dont le nombre ne cessait d’augmenter, Joseph, arrêté avec ses deux petits enfants dans la maison des Morelles de Brout-Vernet.

L’OSE est une œuvre sanitaire et sociale : des médecins, nous en avons relevé plus d’une trentaine. Ils sont présents chez les dirigeants, chaque maison a le sien et l’on a retrouvé des rapports de médecins avec des courbes de croissance des enfants jusqu’à la fin de l’année 1943 adressés au médecin chef Gaston Lévy dont nous avons publié les mémoires. Chaque ville où se trouvent des réfugiés juifs a un centre médico social de l’OSE,  on y soigne, on cherche des filières, on y fait même des faux papiers. Le dernier, celui de Nice tenu par le Dr Marie Isserlis et par Odette Rosenstock, future Madame Abadi a connu une descente de la Gestapo dont pourrait vous parler son fils Georges, ici présent, qui lui aussi sauta du train qui allait à Drancy.

Mais c’est à Paris, à la barbe de Dannecker que le dispensaire de la rue des Francs-Bourgeois gardé par les Lobermann, fonctionne avec pas moins de 10 médecins de spécialité différente,  je voudrais citer les Dr Lydie Bronstein, Irène Opollon et Salek Goldberg dont je crois que les familles sont parmi nous ; tandis que la petite équipe parisienne tourne autour du professeur Eugène Minkowski, d’Hélène Matorine  et d’Enéa Averbouh. Que de drames évoqués dans le journal écrit à chaud par cette dernière : des femmes seules, malades ou dans une détresse absolue, ne sachant que faire de leurs enfants, des vieillards abandonnés qui attendent du secours de l’OSE.
A ce jeu mortel du chat et de la souris, l’OSE suit le déplacement des Juifs traqués : elle est présente dans les camps d’internement de zone sud aux côtés des rabbins aumôniers et Andrée Salomon travaille main dans la main avec le grand rabbin René Hirschler et Henri Schilli.

Se trouve parmi nous, une des nombreuses enfants d’Andrée Salomon, Paula Koiran qui lui a dédié son livre de mémoires qui sort dans quelques jours et dont elle a cédé les droits à l’OSE. 

Vous verrez dans la fresque que c’est évidemment dans les 14 maisons d’enfants de l’OSE qu’il y a le plus de noms, 182 exactement, depuis le jardinier, la lingère, jusqu’au directeur et les institutrices comme les sœurs Paillassou qui à  Chabannes ont prévenu Felix Chevrier de l’imminence de la rafle.

C’est parce que les  jeunes de plus de 15 ans étaient menacés de déportation que Joseph Weill, à la suite de Vénissieux demande à Georges Garel de constituer son réseau clandestin : 57 personnes, dans l’immense majorité de toutes jeunes filles « aryanisées », comme on disait dans le jargon de l’époque ou devenues « aspécifiques », dont une douzaine de non juifs, chiffre sans doute en dessous de la réalité. Permettez-moi de citer deux Justes de l’OSE, Pauline Gaudefroy et Simone Cocqué-Stolzé. J’espère que l’OSE pourra monter un dossier pour René Borel, le fidèle collaborateur dont l’appartement de Lyon fut une plaque tournante jusqu’aux derniers jours.

Le réseau Garel, il y aurait tant à dire ! Le circuit A, le circuit B, Germaine Masour à Limoges, toutes les convoyeuses qui à pied, à bicyclette sillonnent la France, Huguette Wahl, Nicole Weil-Salon, Madeleine Dreyfus, Denise Vormus,  Charlotte Rosenbaum-Helmann, trois fois arrêtée, par les maquisards, la milice, la gestapo, trois fois sauvée, notamment par Pierre Dreyfus du bureau de Limoges. Nous avons le projet de publier avec la FMS les mémoires de Georges Garel, avec la contribution d’historiens locaux pour arriver à un organigramme détaillé du circuit clandestin dans chacune des grandes régions où il était implanté.

Car, outre les centres médico-sociaux, chaque grande ville a une antenne de l’OSE, cible malheureusement toute désignée aux descentes de la Gestapo. C’est d’ailleurs là, qu’eurent lieu le plus d’arrestations, bien plus que dans le circuit Garel qui fut remarquablement sécurisé par son auteur.
En effet, le 7 février 1944, la Gestapo de Chambery vient arrêter tout le bureau de la 3e direction santé de l’UGIF, 8 personnes d’un coup dont Alain Mossé, ancien secrétaire de la préfecture de l’Isère et Emeric Fiser, un éducateur de Montintin qui revenait de la frontière suisse où il avait conduit des enfants et qui se trouvait là par hasard. Grâce au sang-froid de Julius Abrahamer, dont le fils est parmi nous,  l’une des secrétaires a pu  s’enfuir. Alain Mossé avant son départ pour Drancy a le temps d’expédier un télégramme codé, reçu par Robert Job, alors directeur de Poulouzat, exhortant l’OSE de fermer immédiatement toutes ses structures, car ses activités étaient connues d’Aloïs Brunner. Ce qui fut fait sauf à Izieu et à Chaumont. On connaît malheureusement la suite.
33 membres de l’OSE sont morts en déportation ou ont été fusillés par la milice. Je voudrais simplement citer ceux qui sont revenus : Madeleine Dreyfus qui de Lyon convoyait les enfants au Chambon sur Lignon, Laja Feldblum, éducatrice à la maison d’Izieu, le Dr Jules Hofstein de Toulouse, Le Dr Odette Rosenstock de Nice et Robert Weill, grand érudit à la maison de Brout-Vernet.
Voilà ce que raconte cette fresque des noms, avec les documents qui l’accompagnent  que vous allez découvrir dans un instant et qui constitue les fondations de l’OSE d’aujourd’hui.
Des noms inscrits sur un mur  vivent tant que nous sommes là pour les évoquer. Il est temps de faire connaître leur histoire, ceux de l’OSE, des EIF, du MJS, du réseau Marcel et André, des rabbins aumôniers, tous ces Juifs qui se sont mobilisés pour sauver d’autres Juifs,  il est temps également,  oui grand temps d’ honorer les vivants comme des « Justes juifs », eux à qui on a refusé pendant longtemps le titre de résistants, eux qui après guerre ont été montrés du doigt pour leur participation à l’UGIF, eux qui n’ont jamais rien demandé,  Justes juifs, gardiens de la vie, Tsadiks, il est temps de leur trouver une place dans notre panthéon.

Avant de lire un bout du message de Philippe Borel de Montréal, je voudrais remercier, JF Guthmann et Roger Fajzylberg pour leur confiance,  ma fidèle collaboratrice Dominique Rotermund, Bernard Roux-Zes pour sa disponibilité, les Amicales des Anciens de l’OSE de France et d’Amérique et bien sûr la FMS.

Voici un message de Philippe Borel de Montréal reçu ce matin :

"Pour mon père, l'O.S.E. fut LA grande histoire de sa vie.  C'est un monde qu'il a profondément aimé, profondément. Richesse des cultures, ouverture d'esprit, intelligence avec l'humour qui se promène jamais très loin, simplicité, absence de prétentions: il avait trouvé là sa vraie famille: celle du coeur, celle de l'esprit. L'O.S.E lui sera toujours fidèle, les fondateurs, les anciens, seront toujours là pour lui, dans ses moments difficiles de misérable immigrant du ghetto torontois de la tout juste après guerre jusqu'à sa fin qui sera heureuse et sereine: ses amis de l'O.S.E ne l'abandonneront jamais.

Et pour moi? Tous ces noms, tous ces noms, ce  sont des présences que je porte en moi. Certaines images sont un peu floues mais l'intensité de leur présence ne l'est pas. Lazare Gurvic qui me tirait toujours l'oreille quand il me voyait, Joseph Millner qui m'a donné tant de ses livres, ses beaux livres de premier de classe ( Il devait être un premier de classe redoutable: ses premiers prix étaient nombreux), Georges Garel et son éternelle cigarette....  Alain Mossé, discret, raffiné qui me donnait des chocolats quand il venait à l'appartement de Chambéry.... et Jenny, et Jacques et, et, et......

Montpellier, Vic-sur-Cère, Chambéry, Chabannes, Lyon : le petit garçon que je porte en moi n'a pas oublié. Ce ne sont pas simplement des noms, ou des endroits: c'est la vie, ce sont des gens, courageux, simples, luttant contre le mal au péril de leur vie, la perdant quelquefois cette vie mais la perdant dans l'honneur. 

Plus tard, après la guerre, je passais une année à Paris, jalon dans mon parcours professionnel. Les Job m'accueillaient, presque comme un fils. Madame Job faisait une cuisine somptueuse. Danielle avait mon âge: Danielle, rayonnante, Danielle enthousiaste devant le beau: nous avons partagé de magnifiques moments tous les deux.

Et le temps passe...... mais les souvenirs demeurent, tragiques et, souvent, radieux car l'espoir est toujours radieux: l'O.S.E dans la tourmente ne l'a jamais perdu, cet espoir, et il a toujours été radieux !"

Je vous remercie

<< Retour à l'article