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Commémoration pour Odette et Moussa 2021

17 octobre 2021 (mis à jour : 26/10/2021)

Les années passant, l’annonce tardive de la date, et le marathon contraignant les déplacements parisiens ce jour, je craignais que nous soyons moins nombreux cette année autour d’Odette et Moussa pour célébrer leur mémoire. Il n’en fut rien. Malgré les quelques désistements et indisponibilités, nous étions tout de même une petite vingtaine de toutes générations au cimetière du Montparnasse ce dimanche 17 octobre 2021. La bienveillante fidélité de chacun sous le soleil d’automne a contribué à rendre ce rendez-vous traditionnel unique.

Andrée Karsenti a ouvert la cérémonie sur le thème du souvenir en accordant une place importante au rabbin Daniel Fahri qui nous a quittés au mois d'août et qui officiait avec nous chaque année malgré ses difficultés grandissantes à se déplacer. Victor Kuperminc a récité le kaddish portant ainsi la voix religieuse de ce moment de mémoire. Andrée n’a pas manqué, comme à son habitude, de rappeler le rôle des pasteurs Gagnier et Evrard, dans l’histoire du réseau Marcel.

Les discussions ont ensuite pris le pas, chacun se répondant au-dessus de la sépulture d’Odette et Moussa, évoquant leur action et leur personnalité au travers d’anecdotes dont chacun détient le souvenir. Quelques histoires inconnues sortent parfois des méandres de nos mémoires. D’autres sont parfois répétées d’années en années ; nous les entendons pourtant toujours avec la même affection et les répéterons sans doute l’an prochain.

Le nombre de témoins vivants décroît aussi tristement que naturellement alors, qu’à l’inverse, le lien qui unit les personnes présentes aujourd’hui grandit. Plus que des enfants cachés, des enfants de Justes et des amis, ce rendez-vous ressemble de plus en plus à un repas familial. Tout le monde se retrouve chez Odette et Moussa pour leur rendre l’hommage qu’ils méritent et se rappeler mutuellement l’émotion qui unit celles et ceux à qui ils ont permis d’être toujours de ce monde aujourd’hui pour se rappeler.

L’histoire de la Shoah et de ses héros (même s’ils ne se définissaient pas comme tels) doit perdurer. Elle rappelle qu’il devra toujours y avoir de belles âmes pour sauver des vies. L’Histoire se répète et bien qu’elle change régulièrement de pourpoint, les mécanismes sont les mêmes. Comme le disait Moussa : « ...soyez des veilleurs, des veilleurs et des éveilleurs. Parlez à vos enfants ». N’oubliez pas. Ne laissez pas s’éteindre la mémoire. Portez le message de ceux qui ont sauvé pour que d’autres sauvent encore.

Emmanuel Gagnier

Il est des rendez-vous manqués que nous regrettons et que parfois, nous pouvons rattraper ... un peu ...

Notre ami et enfant caché Victor Haïm aurait aimé se joindre à nous ce dimanche. Le sort a joué contre lui et malgré l’énergie déployée, les transports en commun, le marathon ou encore la circulation d'un taxi l'ont emporté. C'est après la fin de la cérémonie qu'il put enfin se présenter au cimetière, trouvant place vide. Il en fut d'autant plus déçu, qu'il était venu avec l'intention d'y lire un texte écrit par son épouse Margareta, amie d'Odette. Nous partageons avec vous ce texte plein d'affection qui reprend un tant soit peu la place qui lui était destinée.

 

J'étais très amie avec Odette. On se rencontrait au café et aussi avec Moussa lorsqu'ils venaient dîner à la maison. Ils sont venus souvent et ont connu nos filles qui étaient petites.

Quand mon mari Victor a eu un différend, à propos du théâtre avec Moussa et que pendant quelques temps ils ne se parlèrent plus, Odette plaida avec vigueur en faveur de Moussa qui avait fait des choses très courageuses pendant la guerre !

C'est tout ce qu'elle a dit ! Nous avons su de quoi il s'agissait seulement après le suicide d’Odette. Sachant qu'elle avait été déportée je lui avais posé des questions sur cette période et elle m'avait dit qu'elle avait vu Mengele dans le camp !

Je ressentais de la honte car mon pays, la Suède, était neutre, neutre entre guillemets car il a ouvert ses frontières pour que les Allemands traversent le pays et envahissent la Norvège. Mais pour être juste, il faut dire que la Suède a accueilli beaucoup de Juifs allemands et danois. J'ai été ignorante de cette situation à telle enseigne que mes parents m'envoyaient faire des courses chez un commerçant charmant qui vendait notamment des journaux à Malmö.

Comme mes parents me disaient d'aller chez le Juif je rentrais dans son magasin et lui demandais si Monsieur le juif avait en rayon ce que je venais chercher !

"Merci monsieur le Juif ... au revoir monsieur le Juif !" Il est resté souriant et adorable et c'est chez lui que j'ai acheté l'hebdomadaire "SEE" qui veut dire "Regardez" vers le début 45 . En couverture il y avait des photos de déportés et j'ai été tellement choquée que j'ai perdu la foi et ne suis plus jamais allée au Temple !

Quand j'ai connu Victor et qu'il m'a décrit sa fuite devant les nazis et la déportation de 9 membres de sa famille, j'ai été effondrée. La fréquentation de Moussa et Odette et les récits des amis de Victor ont contribué au fait que je me sens juive par le cœur ! Apprenant ce qui se passe à Malmö actuellement, avec une flambée terrible de l’antisémitisme, je suis horrifiée .

La sensibilité d’Odette, sa discrétion, l'intelligence et la culture de Moussa me renforcent dans l'idée que les Juifs sont des surdoués ! On rit quand j'affirme ça ! Tant pis. Je reste ferme dans mes convictions. Odette et Moussa sont des êtres humains qu'on ne peut oublier. Je ne cesse de penser à eux. Je les ai tant aimés.

Margareta Haïm née Hansson
Octobre 2021