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Lettre de Madame Zola : Un engagement familial

31 octobre 2022

À la disparition d'Odette en 1997, ses proches, dont notre présidente Andrée Poch-Karsenti, ont récupéré de nombreux documents qu'Odette avait pris soin de conserver. Ainsi, Odette et Moussa Abadi nous ont laissé bon nombre de documents d'archives (fiches, lettres, photos, ...). Beaucoup de ses documents ont été confiés au Mémorial de la Shoah, d'autres à la BNF, d'autres encore sont restés chez certains des enfants cachés que sont Andrée, Jeannette, Marthoune, ...

Récemment, en triant quelques papiers, Andrée Poch-Karsenti a mis la main sur une lettre signée d'Alexandrine Zola, l'épouse d’Émile Zola.

Cette lettre datée du 5 octobre 1906 est adressée à Félix Rosenstock, l'oncle d'Odette. Celui-ci, commerçant, était impliqué dans le mouvement des jeunesses républicaines (JR). C'est cette année 1906 que fut réhabilité le commandant Dreyfus dans l'affaire tristement célèbre qui porte son nom (1). Les Jeunesses Républicaines organisent régulièrement des conférences. Félix Rosenstock avait visiblement pris soin de réserver une place pour Madame Zola à l'une d'elle, dans laquelle la mémoire de son mari était honorée, et le lui avait fait savoir. La lettre retrouvée et présentée ici est la lettre de remerciement de Madame Zola à Félix Rosenstock pour cette attention.

 5 octobre 1906,

Monsieur,

Je suis avertie depuis quelques jours par le bien cher Maurice Le Blanc de la conférence que la Jeunesse Républicaine du troisième arrondissement organise. Et aujourd'hui même je demandais à cet ami comment je devais procéder pour avoir quelques places. Il me dit qu'il me donnerait prochainement la réponse. C'est assez vous dire, Monsieur, le vif désir que j'avais d'assister à cette conférence avant que vous ayez l'amabilité de me solliciter. Je suis donc très heureuse que nos idées soient de mêmes. Dans ce cas, rien n'est plus facile pour s'entendre.

Il me reste à vous prier d'être mon interprète auprès de cette jeunesse républicaine, à lui dire combien je suis sensible à l'hommage qu'elle rend à mon bien cher mari, et ç lui en témoigner ma plus vive gratitude.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de mes sentiments profondément émus.

Alexandrine Zola

Cette lettre, désormais conservée à la BNF, témoigne sans doute de l'engagement familial à lutter ouvertement contre antisémitisme.

En son temps, Félix Rosenstock œuvrait pour la mémoire d’Émile Zola et son engagement dans l'affaire Dreyfus. Quelques années plus tard, sa nièce Odette se rendra dans les Pyrénées pour accueillir les réfugiés républicains espagnols de la guerre. Elle participera à plusieurs actions clandestines en faisant sortir des réfugiés du camp dans des camions sanitaires, en les dirigeant vers les hôpitaux et en leur apportant les premiers soins. Puis elle créera le Réseau Marcel avec Moussa Abadi et contribuera ainsi à sauver 527 enfants que l’antisémitisme nazi destinait à une mort certaine.


(1) L'affaire Dreyfus divisa la France et Émile Zola s'illustra dans ce combat par une lettre ouverte au président de la République intitulée "J'accuse" paru dans le le numéro 87 du journal L’Aurore le 13 janvier 1898. La lutte fratricide qui divisa la France lors de l'affaire Dreyfus en 1894 engendra le ralliement de nombreuses personnalités de gauche au manifeste d’Émile ZOLA et créa une effervescence donnant naissance à de nombreux mouvements de jeunesse. En 1902, deux mouvements identiques et qui se proposaient d'entreprendre les mêmes actions, virent le jour presque simultanément : Les Jeunesses Laïques (JL), d'origine provinciale, ayant un retentissement national, et les Jeunesses Républicaines (JR), principalement installées à Paris. Toutes deux attachées à la liberté de conscience et au respect de toutes les convictions, elles prônent la supériorité de la morale laïque. Au point de vue social, elles engagèrent la lutte au nom de la justice, du bien-être, de tout ce qui constituait l'honneur et la joie de vivre. Après la 1ère guerre mondiale, puisque rien ne les différenciait, ou presque, ils décidèrent de fusionner le 6 avril 1924 afin de sceller leurs aspirations communes. La fédération des Jeunesses Laïques et Républicaines fut alors créée. Les JLR reprirent la devise des JL "Beauté, Vérité, Justice " ainsi que les statuts. Les JLR placèrent à leur tête des présidents d'honneur dont la valeur morale et l'élévation de pensée honorent l'humanité. Quatre d'entre eux font partie du patrimoine intellectuel français : Émile ZOLA (1900-1902), Anatole FRANCE (1903-1924), Lucien Victor MEUNIER (1925-1930) et Georges BOUCOIRAN (1931-1962).

Source : https://federation-jlr.blogspot.com/