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Julien Engel - 77 ans après au "Rayon de Soleil"

29 juin 2023

Georges et Julien en 1946 après leur départ du Rayon de Soleil

Julien et Georges ENGEL ont été enfants cachés et protégés de 1943 à 1946 au « Rayon de Soleil » à Cannes. C'est le Réseau Marcel qui avait confié les deux frères, séparés de leurs parents, à Monsieur et Madame Fort (les fondateurs et directeurs de la maison d'enfants) afin de leur donner un toit et les mettre à l'abri des persécutions nazies.

Près de 80 ans plus tard, Julien ENGEL est revenu sur les lieux avec son épouse, Anne-Marie.

Une cérémonie commémorative s'est tenue le mardi 30 mai 2023 au Rayon de Soleil (Foyer Montbrillant). Cette cérémonie a été l'occasion pour Julien et son frère Georges de remercier celles et ceux à qui ils doivent la vie. (Georges ne pouvait malheureusement pas être présent).

Discours de Julien Engel

C'est avec beaucoup d'émotion que je me trouve parmi vous aujourd'hui, quatre-vingts ans après les évènements qui nous ont conduits mon frère Georges et moi, dans ce bel établissement qui porte le nom de Rayon de Soleil. Mon frère Georges qui vit en Californie n'a pas pu venir mais il est bien sûr présent par la pensée.

Je voudrais tout d'abord remercier le directeur du Rayon de Soleil, Mr Aimé et son équipe de nous accueillir aujourd'hui, ainsi que le directeur de l'Association du Rayon de Soleil, Monsieur Formey. Je voudrais aussi saluer chaleureusement les membres de la famille Fort qui ont tenu à être à nos côtés. Pour cet évènement important. Il est important de rappeler qu'Alban et Germaine Fort ont été les fondateurs du Rayon de Soleil en 1935 et qu'ils ont consacré leur vie à cette admirable institution jusqu'en 1976.

Je vous promets de ne pas être trop long mais je voudrais, en quelques phrases, vous donner le contexte historique des évènements qui nous ont conduits, mon frère et moi, ici en 1943, et chemin faisant rendre hommage aux personnes exceptionnelles qui nous ont sauvé la vie.

D'abord quelques dates importantes. En 1933, Hitler arrive au pouvoir. Mes parents, d'origine juive polonaise, vivent alors à Dortmund, en Allemagne, Ils décident de quitter le pays à cause de l'ambiance extrêmement antisémite et menaçante. Ils partent pour Anvers, en Belgique où nous sommes nés, Moi en 1933 et Georges en 1938.

En 1940, la Belgique est envahie par les Allemands. Mes parents décident alors de fuir à nouveau, vers le sud de la France, encore non occupé, à Nice précisément, où ma mère a deux cousines qui vivent en France depuis longtemps.

En aout 1942, la rafle massive organisée par le régime de Vichy dans toute la zone non occupée mène à l'arrestation de milliers de Juifs. Affolés par le danger, mes parents décident de fuir Nice et de passer clandestinement en Suisse.

Arrêtés près de la frontière, la famille est conduite en train au camp de Rivesaltes près de Perpignan. Mes parents sont menottés durant le trajet. Deux semaines plus tard, Georges et moi sommes séparés de nos parents et conduits miraculeusement hors du camp. Nous apprendrons 70 ans plus tard que nous devons notre libération et donc notre vie à Paul Corazzi, haut fonctionnaire à Perpignan qui a continué à faire sortir les enfants juifs du camp malgré les nouvelles directives de Vichy. C'est le Secours Suisse qui nous a conduits près de Toulouse dans un ancien couvent mis à la disposition de l'œuvre caritative juive, OSE, par L'archevêque de Toulouse, Monseigneur Saliege. Une des cousines est venue nous chercher et a réussi à convaincre l'OSE de nous laisser partir avec elle à Nice.

En septembre 1943, Les Italiens capitulent et quittent la région. Les Allemands font leur rentrée dans la ville et la chasse aux Juifs continue de façon encore plus brutale et systématique. Les cousines, sorties pour se ravitailler malgré le danger, sont arrêtées en pleine ville parce que juives Leur amie non-juive qui les accompagne est relâchée. Cette amie vient immédiatement nous prévenir qu'il faut quitter la maison. Nous sautons la barrière du jardin et nous nous retrouvons chez le voisin Mr Nieborg qui nous accueille très gentiment chez lui. Quelques heures plus tard, lorsque les Allemands, accompagnés de la milice, arriveront à la maison des cousines, ils n'y trouveront personne. Après deux ou trois jours, Mr Nieborg nous confie à Mademoiselle Sylvie, assistante sociale auprès de l'Évêque de Nice, Monseigneur Rémond. Mademoiselle Sylvie nous prend par la main et nous conduit ici au Rayon de Soleil.

Maintenant, avant de parler plus longuement du Rayon de Soleil et du rôle essentiel qu'il a joué dans notre vie, je dois faire une petite parenthèse si vous le permettez. Je viens de vous parler de Mademoiselle Sylvie. Cinquante ans après les évènements, j'allais découvrir, au cours d'un voyage à Jérusalem, la vraie identité de Mademoiselle Sylvie et ceci grâce à l'historien Lucien Lazare que je venais de rencontrer. Mademoiselle Sylvie ne s'appelait pas Sylvie. C'était un nom de guerre. Le vrai nom de cette jeune femme était Odette Rosenstock et elle avait créé avec son compagnon Moussa Abadi (tous les deux juifs) un réseau de sauvetage d'enfants appelé le Réseau Marcel. Ce réseau avait pu sauver 527 enfants, et ceci grâce à l'aide de l'évêque de Nice, Monseigneur Rémond et de deux pasteurs protestants, Monsieur Gagnier et Monsieur Evrard qui leur ont donné une liste de cachettes sûres, comme des couvents, des pensions religieuses, des maisons d'enfants, des familles protestantes et catholiques etc. C'est donc grâce au Réseau Marcel que nous avons été placés au Rayon de Soleil.

Monsieur et Madame Fort étaient des gens merveilleux. Ils ont fait bien plus que de nous cacher. Ils nous ont offert un environnement familial et chaleureux et nous ont permis de vivre une vie presque normale. La famille Fort est devenue pendant trois ans notre famille et le Rayon de Soleil est devenu notre maison. Nous voulons particulièrement leur rendre hommage aujourd'hui.

Nos parents ont été déportés à Auschwitz et ne sont pas revenus.

En 1946, j'ai treize ans et Georges en a huit, N'ayant plus de famille en France, nous embarquons pour les Etats-Unis où nous sommes recueillis par un oncle et sa famille.

Dans ma vie professionnelle qui a été consacrée à l'aide au développement international, j'ai fait de nombreux voyages et j'en ai profité plusieurs fois pour rendre visite à la famille Fort. Nous étions très heureux d'apprendre qu'ils avaient reçu la Médaille des Justes. Je dois ajouter qu'ils ont hébergé et caché beaucoup d'autres enfants juifs avant et pendant la guerre et ceci au risque de leur vie. Alban et Germaine Fort ainsi que Moussa et Odette Abadi ont été nos anges gardiens et nous n'avons pas assez de mots pour exprimer notre gratitude pour ce qu'ils ont fait pour nous.

Je voudrais, pour terminer, remercier le Rayon de Soleil pour tous les efforts qu'il déploie depuis près d'un siècle pour accompagner et donner un lieu de vie agréable et enrichissant aux enfants et adolescents en grande difficulté familiale ou sociales et nous savons que les fonds ne sont pas toujours à la hauteur des besoins. C'est pour cette raison et aussi pour dire un grand merci que nous ne sommes pas venus les mains vides. Nous espérons que le don que nous faisons, mon frère et moi, a l'Association du Rayon de Soleil aidera à réaliser un projet qui vous tient à cœur.

Merci de m'avoir écouté- Merci encore

Article Nice-Matin

Un article est paru dans Nice-Matin. Il raconte l'Histoire de Julien et de Georges

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Reportage BFM TV

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