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3e forum générations de la Shoah : "Rire dans les larmes"

1er juin 2024

 

Compte-rendu par Andrée Poch-Karsenti

Le 3e Forum "Générations de la Shoah" s'est tenu du 18 au 20 mai 2024.

Avec force, Odette et Moussa auront été présents à ce troisième Forum. Magnifiques moments de partage, d'émotions, d'ateliers plus intéressants les uns que les autres.

Samedi 18 mai au Collège François Couperin le public a été nombreux à déambuler entre les stands d'informations de toutes les associations. La nôtre n'était pas en reste. Les quatre panneaux contant le Réseau Marcel étaient déployés sous les regards attentifs de Françoise et Jean-Marc Gagnier venus prêter main forte pour recevoir les curieux intéressés.

L'ouverture officielle de ce troisième Forum fut faite en présence du président du Mémorial de la Shoah, Éric de Rothschild et de son directeur Jacques Fredj, du maire de Paris Centre, Ariel Weil et de l'invité d'honneur Pierre-François Veil président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Bien lancé, le premier grand atelier du Forum à trouvé un animateur plein d'humour : Jo Kastersztein, entouré d'Adam Biro et de Michel Wieviorka pour évoquer le thème choisi : « l'humour juif, quelle place dans la transmission ?
Après les rires, intermède dinatoire et fin de la soirée par Muriel Bloch conteuse accompagnée de Yael Miller chant et clavier, dans « Raconte-moi une histoire »

Dimanche 19 mai, bien que volontaire pour accueillir ce public, j'ai participé à un atelier passionnant, intitulé « Sauveurs et sauvés, d'une génération à l'autre, quels sont nos liens ? » animé par Fabienne Renard, Docteur en sciences politiques, installée à Genève. Participaient également Jeannette Cookie Fischer de la Fondation Sousa Mendes,(2e génération) ainsi que Gérald Mendes (3e génération et petit-fils de Sousa Mendes) qui nous a raconté l'histoire passionnante de Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux en juin 1940. Désobéissant à Salazar il sauva plusieurs dizaines de milliers de personnes, juives pour la plupart, en leur délivrant des visas pour le Portugal. Pour avoir émis plus de 30 000 visas, Sousa Mendes fut démis de ses fonctions et traduit devant un conseil de discipline, privé de tous ses droits. Il meurt dans une situation précaire en 1954, loin de ses enfants et de sa famille qui se bat pour sa réhabilitation. Celle-ci sera effective en 1986 et Sousa Mendes décoré à titre posthume par Mario Soares. Le Mémorial Yad Vashem en Israël l'ayant nommé « Juste parmi les Nations » en 1966.

Il y avait aussi Luc Zbinden (3e génération.), petit fils d'un sauveur à l'histoire tissée comme un patchwork. Il y a plusieurs années, il découvre que son grand-père, pasteur de l'Eglise évangélique libre de Saint-Jean-du-Gard dans les Cévennes, a protégé une famille juive durant la seconde guerre mondiale. Depuis, Luc Zbinden s'est mué en enquêteur et cela fait quinze ans que cela dure ! Il retrouve la veuve de Peter Heller (qui vit aux USA), le petit garçon de cette famille pour lequel son grand-père s'était pris d'affection, ainsi qu'une cousine qui vit en région parisienne. Une grande partie de la famille est morte dans les camps. Luc Zbinden et cette cousine ont fait la demande d'octroie de la Médaille des Justes. Je n'ai pas noté les propos exacts tenus par ce témoin sur l'impact apporté par sa découverte familiale, aussi suis-je allée chercher sur internet ces quelques phrases que je copie :

Luc Zbinden renoue avec les racines juives ou bibliques de sa foi évangélique. La redécouverte de cette culture, relève-t-il, correspond à un rafraîchissement, à une montée de sève dans ma manière de vivre ma foi évangélique en lui apportant couleurs et relief. » Il redécouvre la judaïté de Jésus, mais aussi la notion de « Kavana » – la prise de conscience de la présence de Dieu lors des temps de prière –, ou encore l'importance d'une attitude de bénédiction (« brakhot ») et de reconnaissance – « voir le verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide.

Et puis, il y a eu moi ! Et j'ai raconté : les Rous, Jean amputé de la guerre de 14, Jeanne sa femme, qui derrière leurs persiennes closes dans l'immeuble en face ont assisté à l'arrestation de mes parents et de la sœur de mon père. Ils m'ont cachée dans leur petite maison à Annot dans les Alpes de Haute Provence avec comme copain de jeux leur fils Jacky : j'avais trois ans. J'étais dans l'ignorance de ces faits jusqu'au jour où mon frère m'a emmené rue Niepce à Nice pour me montrer l'immeuble où nous avions vécus puis m'a faite traverser la rue. Deux étages plus haut, je refaisais connaissance avec mes premiers sauveurs, nommés Justes parmi les Nations. Eux aussi m'ont raconté : les Résistants fusillés sur la place du village, leurs peurs, et mon retour à Nice « au Dubouchage », lieu de rencontres des juifs réfugiés…où ils m'ont confiée à mes autres sauveurs, ces deux jeunes gens ne « voulant pas regarder passer la procession » et ayant bâti leur Résistance.

Justes dans leurs engagements, sans diplôme ni reconnaissance de l'Etat d'Israël : Odette Rosenstock ,Moussa Abadi, (juifs pourchassés tous deux) créèrent le Réseau Marcel avec l'aide de l'Humanisme de Monseigneur Rémond Evêque de Nice, du Pasteur Pierre Gagnier et de son épouse, du Pasteur Evrard, sa femme et leurs quatre enfants, ceux-ci convoyeurs des pourchassés : tous nommés Justes parmi les Nations.

Ils sauvèrent 527 enfants.

En repensant à l'intitulé de cet atelier, j'ajouterai que j'ai gardé des contacts avec la famille Rous, et qu'aujourd'hui encore je suis en lien avec Jacky.

J'ai eu la chance de fréquenter Moussa et Odette durant quelques années avant leurs décès : nous nous sommes aimés.

Je compléterai mes propos en ajoutant que je connais une partie, et non des moindre, de la famille des Gagnier : le fils du Pasteur du même nom, Jean-Marc et son épouse Françoise, font partie de notre association, les « Enfants et Amis Abadi, » et leur fils, Emmanuel est le webmaster de notre site internet.

Ils ne sont pas directement mes sauveurs, mais ils sont porteurs et transmetteurs du sauvetage des leurs. ...Et pendant cet atelier, associations mêlées, Florence Pierre, comparse de la LICRA, à tenu notre stand ...

Toute la journée se sont déroulés les ateliers bruissant de mots, d'émotions et parfois de larmes, où le thème dominant ne parlait que des différentes formes de transmissions mais aussi du « comment agir ». Rire dans les larmes, c'est ce que beaucoup ont fait, aidés en partie avec Boujenah.

La soirée, introduite par les voix des jeunes du Dror Habonim lisant des poèmes, (dont « Liberté » de Paul Eluard) a permis un hommage aux victimes du 7 octobre. Elle s'est terminée par un délicieux repas aux saveurs orientales et aux sons entrainants du quartet Klezmer Hotegezut.

Vivement le quatrième Forum !!!